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Radio Campus France

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Le jour où j’ai été membre du jury d’un concours national de théâtre

Chronique nanciéenne de Justine écrite à l'occasion du Concours national de théâtre organisé par les Crous de France. Justine est journaliste-benévole à Campus FM à Toulouse, elle était invitée à Nancy afin d'intégrer jury final. Récit d'une immersion intense dans le grand bouillon du théâtre contemporain.

Combien de rossignols ont ainsi chanté à travers les âges, dans la nuit ? Combien de rossignols humains, confiants et inspirés, sont morts avec cette éternelle et merveilleuse chanson sur les lèvres ? Combien d’autres mourront encore, dans la froidure et dans la souffrance, dans le mépris, la haine et la solitude, avant que la promesse de leur enivrante voix soit enfin tenue ? Combien de siècles encore ? Combien de naissances, combien de morts ? Combien de prières et de rêves, combien de rossignols ? Combien de larmes et de chansons, combien de voix dans la nuit ? Combien de rossignols ?

"Désobéir ou Education Européenne" de la Compagnie Maintenant que nous sommes ensemble, d’après le roman de Romain Gary.

Récit :

Je viens de passer 48h de ma vie à Nancy. Pourquoi Nancy me direz-vous ? Parce qu’à Nancy, le Crous Lorraine organise le Concours National de Théâtre Etudiant et que j’ai eu le privilège d’être mandatée par Radio Campus France pour les représenter en tant que membre du jury cette année.

Evidemment, se retrouver jury d’un concours auquel, il n’y a pas si longtemps, on aspirait participer en tant qu’artistes, ça vous trace quelque ride du lion sur le cœur. Mais après tout, si j’ai l’âge et l’expérience d’enseigner le théâtre en école professionnelle d’arts dramatiques, il semblerait que j’ai l’âge et l’expérience de délibérer sur les talents de la nouvelle génération d’artistes.

Pendant ces 48h à Nancy, j’ai eu la sensation de réaliser un rêve que je ne savais pas avoir... Car si on y réfléchit bien, si je me retrouve à passer 48h de ma vie à Nancy c’est parce qu’un jour, une crise sanitaire m’a obligé à réinventer mes créativités théâtrales en m’essayant au théâtre radiophonique.... Et de fil en aiguilles, on me propose d’animer le direct d’un plateau radio à la biennale du Théâtre de la Cité à Toulouse ; et d’aiguilles en bottes de foin, on me propose d’animer ma propre émission de théâtre sur les ondes ; et de bottes de foin en champs de blé, les chants des possibles s’offrent à moi par des chemins insoupçonnés... Cœur sur Campus FM !

Ainsi, pendant 48h à Nancy, j’ai eu le plaisir de me faire un mini marathon théâtral en compagnie de personnes formidables pour rencontrer des personnes toutes aussi formidables

A la découverte des sujets abordés, j’ai été heureuse de constater que les 4 équipes artistiques finalistes, la Compagnie Imbuvable de Toulouse, la Compagnie Dans la Nuit de Montpellier, le Théâtre Universitaire de Dijon et la Cie Maintenant que nous sommes ensemble de Paris, avaient des choses fortes à nous dire, qu’elles utilisaient le théâtre comme un endroit d’engagement pour parler de féminisme, de montée du fascisme, d’emprise, d’écologie, ou encore de résistance. Je me suis immédiatement sentie proche d’elles, impatiente de découvrir leur façon à elles de les dire, d’entendre et voir ce qu’elles avaient à nous partager avec leurs spectacles respectifs : L’eau dans laquelle on baignait a commencé bouillir, C’est pas l’amour, Des oiseaux de fer, Désobéir ou Education Européenne.

Face à cette nouvelle génération d’artistes, je n’ai pas pu m’empêcher de penser : « Mais qu’est-ce qu’elles et ils sont jeunes (eh oui, il est là le p’tit coup dans l’aile !) ! Mais qu’est-ce qu’ils et elles sont engagé.e.s ! Mais qu’est-ce qu’elles et ils sont beaux et belles de cette audace ! » Mais je me suis interdite la platitude que j’ai entendue tant de fois à leur âge : « mais comment vous, si jeunes, vous intéressez-vous à ces sujets là ? » C’était déjà has been en 2013, ça l’est encore plus en 2025 ! Parce qu’elles et eux, si jeunes, n’ont pas d’autres choix que de s’emparer de ce monde qui se distord devant leurs yeux impuissants mais jamais passifs, ils n’ont pas d’autres options que de chanter l’espoir du rossignol pour essayer de sauver ce monde en décomposition, pour essayer de le comprendre, pour essayer de le transformer... Alors, à elles et eux, si jeunes, je n’ai qu’une chose à écrire : merci pour l’espoir, merci pour l’audace, merci pour l’urgence, merci pour les tentatives, merci de créer, merci d’être, merci de « faire ce que vous pouvez pour devenir ce que vous voulez ». Votre courage est terriblement inspirant !

Ainsi, pendant 48h à Nancy, j’ai eu l’occasion de me confronter à ce que la jeune génération d’artistes avait à nous jeter au visage pour nous empêcher de nous ramollir l’espoir et de ternir nos résistances, nous le public et les 9 membres du jury. 9 personnes d’horizons physiques et culturels dissemblables mais toutes et tous réuni.e.s par la même appétence au théâtre. J’ai trop peu entrecroisé certaines, j’ai blagué avec les autres, j’ai pensé le théâtre avec les unes. J’ai pu profiter d’un espace hors du temps uniquement dédié au théâtre allumant le champ des questions sans réponses, des rêves pour demain, des rencontres qui ouvrent les yeux et le cœur. Moi aussi j’ai grandi, j’ai appris, j’ai cherché j’ai compris, j’ai réfléchi, j’ai ri, et je l’ai définitivement fait en bonne compagnie.

Ainsi, pendant 48h à Nancy, dont 3h40 de théâtre et 1h30 de délibérations au cours desquelles nous avons échangé dans la bienveillance, le respect et l’émotion, nous sommes toutes et tous arrivées à la même conclusion : le théâtre de demain est déjà là pour devenir celui d’aujourd’hui, il y a des maladresses à gommer, des répliques à ajuster, des scènes à préciser, mais la jeune pousse est là, tenace, prête à être arrosée, à prendre le soleil pour devenir une belle fleur du changement : de monde, de paradigme, de rêve, de demain....

Et alors que le train m’éloigne de plus en plus de l’Est pour me ramener au Sud, il ne me reste plus qu’à chérir ces 48h de ma vie passées à Nancy, infiniment reconnaissante de ce précieux cadeau qui m’a été fait par celles et ceux qui m’ont fait confiance pour les représenter, par celles et ceux qui m’ont accompagnée dans cette aventure, par celles et ceux qui m’ont questionnée, bousculée, émue depuis leur endroit de théâtre. Et alors que le train m’éloigne de plus en plus de l’Est pour me ramener au Sud, je me sens incroyablement chanceuse.

Justine T. ANNEZO

 

Les lauréat.e.s 

4ème place : L’eau dans laquelle on baignait a commencé à bouillir, Compagnie Imbuvable (Toulouse)

3ème Prix : Des Oiseaux de fer, Théâtre Universitaire de Dijon

2ème Prix : C’est pas l’amour, Compagnie Dans la Nuit (Montpellier)


1er Prix : Désobéir ou Education Européenne (adaptation du roman de Romain Gary), Cie Maintenant que nous sommes ensemble (Paris)

 

 


Crédits photos : Théo Caillet - Crous Lorraine

Publication: lundi 23 juin 2025 à 10:54
Mise à jour: mardi 24 juin 2025 à 11:02

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